Les Zoiseaux (poème)

À cette heure encore où j’ai dépassé cette nuit l’heure du coucher,
je me permets d’écrire en cette page ces quelques pensées.
Les objectifs parsemés dans ma tête parasitent mon âme.
Car enfin pour être libre d’écrire il faudrait croire en soi …
Profondément en fait, il faudrait assumer que pour se donner dignement r’à la page,
il faudrait se rêver oiseau.
Sans réserve et sans niaiserie, imiter dans la tête un peu le vol du colibri.
Butiner la rosée et flirter avec le ciel pour en baiser les nuages.
Pas de manière mignonne mais bien de façon animale.
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Car enfin l’oiseau avant d’être le calque des bons
comme des mauvais poètes,
l’oiseau avant tout est une bête.
Une machine animée d’amour et de pulsion.
Une mignonne bête qui viole, qui tue et qui décarcasse les pauvres êtres
qui par malheur sont tombés sous ses serres acérées.
Et de cette douleur, de cette mort, de cette peine,
naît un bonheur, un plaisir père de la putréfaction,
et car la merde est bonne mère,
la vie toujours se développe mieux dans un engrais de malheur.
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Ainsi tombe la fange céleste du trou du cul d’un colibri,
chiant sur le monde de toute sa hauteur,
pris dans son rêve lui aussi, d’être un être qu’on extrait.
Une caresse sur l’horizon,
un au-revoir aux soucis,
un vol sans fin vers la nuit,
celle qui est sombre et nous attend.
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Celle qui accueille sans discrimination, les réacs, les militants, les militaires, les présidents, les presque rien, les ratés, les rassurés, les rassasiés, les assassins, les assoiffés, les sardoniques, les sarcastiques, les artistiques et quelques milliards d’autres encore que mes lettres oublient.
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Ainsi peut-être, faudrait-il un peu se rêver oiseau,
car en fin de compte nous serons tous mornes.
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Mort née dans l’éternel,
vantant à nos êtres cette fausse faculté de celui qui veut voler au-dessus des mondes,
se transcender dans la vie ou se saoûler à son nectar.
Dieu sait qu’il est tard et je devrais dormir
Mais déjà prêt à veiller je me rêve vautour
tournant autour de ce cadavre de moi même,
de ce pommé au sommeil qui combat pour exister.
Je sens le goût de mes os sous ce bec de noires pensées.
Je me sens vautour, je m’appelle Morel et sous mon bec
je crois que je sens déjà le souffle de mes os que craquellent.
Mon corps à soif, je veux de l’eau.
Mes ailes battent, je vole haut
et sous mes pattes acérées je vois la plaine, je m’en extraits.
En charognard mental, je tire plaisir dans le spectacle de la mort.
Je contemple le déclin et y trempe ma plume.
Je comprends enfin pourquoi le noir est la couleur des charognards.
Je prends la morts dans mes plûmes.
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Les artistes tuent le monde et cultivent le mensonge
ou plutôt ils font pousser leur vision dans la merde !
Comment leur en vouloir,
ne nous reprochez pas d’être puant,
nous cherchons les merveilles.
Orgueilleux, nous peinons à prendre comme telle la valeur du monde …
alors on veut faire pousser des choses qu’on croit percevoir
Qu’on croit vraies et issues de nous.
On croit s’envoler, mais on en sortira pas.
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Notre corps est là et notre âme n’est pas.
Nous allons sur place, nous nageons au milieu d’un lac …
En apnée dans la vie, nous agissons vers le trépas.
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Passager de l’absurde, nous traçons tant bien que mal des lignes sur le monde.
Et ses lignes nous portent en ses rebords Notre planète est un bateau et nous voguons en son bord
Or nous n’allons nulle part, et les planches se souillent.
Elles prennent l’eau, la mer du void en imbibe le corps
Le bateau pourrit.
Et c’est bon… Oui, nulle inquiétude : c’est bon !
Nous nous nourrissons de ces champignons.
Aujourd’hui dégringolades, demain nous serons : des champignons.
Nous gorgerons les planches de cette scène voguante
De ce navire englobant en son sein vie et trépas,
ce radeau sans méduse et sans destination,
cette grande galère qui craque pour aller nulle part.
Et les rameurs se penseront albatros, ils voudront inspecter les mers.
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Mais voulant les décrire, ils ne parleront que de lacs
et ces lacs seront la manière dont nos enfants connaîtront les albatros.
Alors certains enfants se croiront goélands
et leurs nuits seront douces.
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