Critique Littéraire : La Confusion des sentiments, un grand récit d’apprentissage magnifié par une plume généreuse

Boris22/ mai 12, 2022/ Critiques, Publication en Vrac/ 0 comments

Un maître et son élève, musée des beaux arts de Bordeaux

La Confusion des sentiments, écrit par Stefan Zweig et traduit de l’allemand par Alzir Hella, marque principalement par son style florissant, ses jeux d’énumération et son caractère hautement sensible. L’auteur joue de sa prose pour magnifier chaque émotion et en transcender la force jusqu’à l’exagération. Il y a bien là quelque chose de profondément romantique, au sens entendu par Oscar Wilde, dans la mesure où la plume de Zweig ne rend pas compte de la morne réalité humaine, il en invente une nouvelle, où les sensations sont magnifiées par des couleurs vives et fantasmées : les tristesses sont des désespoirs sans fins, les passions des puissances dévastatrices ; la fidélité devient un devoir de vie, le rejet une blessure profonde et la trahison une plaie insoutenable. Les sentiments se muent ainsi en un violent ouragan contre lequel des personnages teintés d’une éducation puritaine, jamais évoquée mais sans cesse présente, doivent se débattre. Les apparences se posent ainsi comme les ombres des remous de la mer qui en cache le fond. Sous elles, se trouve la vérité, tragique au sens le plus théâtral.

Ainsi, le narrateur/personnage principal se trouve soumis à des forces qu’il vit trop intensément. Il jubile, pleure, éclate de rage et finalement, grandit, devient un homme et trouve dans la douleur des autres et la sienne, un prisme magnifiant qui le relie au monde. Cet ouvrage représente magnifiquement la tradition des contes d’apprentissages allemands (Bildungroman) et rappelle les premières œuvres d’Hermann Hesse ; on sent la sensibilité d’un auteur à vif. L’intelligence du roman réside en partie dans une mise en scène de la recherche d’un soi dans l’autre. Aucun être humain ne se construit jamais seul, et le héros, en quête constante de validation, séduit par son empathie et sa fragilité. Par ailleurs, le récit surprend par les thèmes qu’il aborde (novateurs pour l’époque) et la générosité de son angle. Je tais cependant volontairement ce point, car en dire plus pourrait ternir la première expérience de lecture.

En conclusion, on comprend aisément le succès fulgurant de ce court roman qui sans doute concentra en peu de pages une masse importante de travail, tant chaque phrase semble pensée, taillée avec soin pour intégrer un virtuose édifice. La lecture coule, fluide comme une rivière et les mots se présentent à oreille comme les accords d’une douce symphonie. On arrive vite au bout et non sans un plaisir certain.

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