Critique Littéraire : « Alors les oiseaux sont partis », ou la lutte des miracles contre le temps qui passe

Boris22/ octobre 5, 2022/ Critiques, Publication en Vrac/ 0 comments

Alors les oiseaux sont partis est un court roman écrit par Yachar Kemal et traduit par du turc par Münevver Andac. Avec un langage simple et poétique, il raconte l’histoire de trois orphelins peinant à survivre dans les quartiers d’Istanbul et de deux hommes déterminés à les aider.

A work by Ara Güler in the « Kayıp Istanbul » (« Lost Istanbul ») exhibit was photographed by Yağmur Dinç on Oct. 10, 2015

Une tradition ancestrale dit que celui qui achète un oiseau pour le relâcher devant un temple, une église ou une mosquée, pourra faire du volatile un messager pour porter ses prières aux portes du paradis. Conscient de cette coutume, trois enfants des rues capturent les oiseaux de la ville dans l’espoir de les revendre. Mais plus personne ne semble avoir cure des vieilles traditions. Les oiseaux s’accumulent dans les cages, entassés et sans personnes pour les faire relâcher.

Deux hommes âgés pris d’affection pour ces gamins roublards décident de leur venir en aide. Si pour les enfants, la vente des oiseaux revient à une question de dignité et de survie, elle prend une composante plus spirituelle pour les deux adultes qui cherchent à travers elle la bonté enfouie au cœur de l’humanité. Leurs efforts et déambulations nous entraînent dans une quête touchante et désespérée, occasion de découvrir la ville d’Istanbul, ce qu’elle a été, mais surtout ce qu’elle n’est plus.

Ainsi, le roman propose le récit du temps qui passe. En décrivant la mort de vieilles coutumes, le livre nous montre à la fois une tragédie et un miracle. La tragédie, c’est la mort du lien qui unit les habitants de la ville. Le miracle, c’est la solidarité de quelques hommes qui vont se passionner pour la vie et les malheurs de mômes inconnus et marginaux.

Mais face au temps qui passe, même les miracles semblent inutiles et du cocktail de la misère et de l’indifférence, les oiseaux seront finalement les innocentes victimes.

Un roman court et poétique dont le propos est intéressant et la fin superbe. On regrettera néanmoins un manque de clarté dans certains dialogues, si bien qu’il faut parfois du temps pour comprendre l’identité des personnages. Un défaut fort surmontable dans la mesure où il permet le caractère épuré de l’écriture.

Le texte insufflera au lecteur réceptif un doux sentiment de contemplation. La simplicité de son propos permet d’aborder de front la question de la misère et la fatalité du temps qui passe tout en déployant un symbolisme puissant.

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