Critique « Après le banquet », Quand amour et politique font très bon ménage
Dans cet article, nous nous intéressons à Après le banquet, un livre écrit par Yukio Mishima et traduit en français par G. Renondeau. Un livre passionnant qui nous parle d’amour et de politique dans un Japon en pleine reconstruction.

A-t-on lu ? Ou oublie-t-on sans cesse ce que c’est que de lire, avant de retrouver ces œuvres qui plongent au plus profond de l’âme pour en extraire des fruits inédits ? En tournant la page finale d’ Après le banquet, je me sais en présence d’une de ces lectures qui stimule l’esprit pour s’y installer durablement.
Ce bonheur, je le dois à Yukio Mishima : auteur culte, passionnant et immoral. Adorateur du marquis de Sade, à la fois secrètement homosexuel et ardant défenseur du Japon impérial, l’écrivain, célèbre de son vivant, marqua les mémoires par sa mort : un suicide aussi raté que spectaculaire, dernier œuvre d’un artiste du mal aussi torturé que génial. Dans sa riche carrière, l’auteur s’illustre aussi bien par l’aspect spirituel de ces livres que par un réalisme psychologique stupéfiant. À la rencontre d’un romantisme noir et d’un naturalisme flamboyant, Mishima réconcilie les contraires dans des récits passionnants ou beauté rime avec cruauté, passion avec destruction, excitation avec violence et bien sûr, vie avec mort.
Après le banquet raconte l’histoire de Kazu, une femme d’âge mûr à la beauté éclatante et à l’indomptable vitalité. Directrice d’un restaurant célèbre, elle tombe par le hasard d’un accident tragique amoureuse d’un homme politique réformateur. Bien vite, la romance se mêle aux tumultes des élections d’un Tokyo d’après-guerre. Les intrigues politiques se montrent pleines de passion et peignent avec une puissance saisissante l’ambiguïté essentielle tapie derrière toute lutte pour le pouvoir. Ne s’arrêtant pas là, le roman articule une dialectique entre un idéal de vie intellectuel, voir rigide et une approche plus organique et souple. Loin d’apporter des réponses simples, il montre avec brio la perméabilité de toute chose et l’entremêlement de chaque force vitale à son opposée.
Touchant à l’intemporalité des grands classiques, le livre dresse une fresque de l’humanité qui transcende les barrières morales et peut s’accommoder de lectures nouvelles au fil des âges. Ainsi, comment ne pas trouver les esquisses d’un discours féministe dans l’incroyable vie de Kazu ? Et comment ne pas admirer la justesse avec laquelle l’auteur, pourtant réactionnaire, dépeint la force émancipatrice de cette femme qui s’accommode des injustices pour investir de sa volonté d’agir chaque instant de sa vie ?
À la fois fresque politique, miroir du cœur humain et ode poétique à la contemplation, je ne peux que recommander chaudement ce roman dont la lecture coule comme neige au soleil pour laisser au cœur un souvenir ancré à l’encre du monde.