Le don de Vision (Nouvelle)
Ce que Jean-Hugues Patos fit de son don de vision…
Une histoire loufoque et franchement stupide écrite pour rire un coup. Avec le recul, je comprends qu’elle est de particulièrement mauvais goût, aussi je préfère que le lecteur ou la lectrice soit averti. Maintenant, vous êtes prévenu ! Bonne lecture 🙂

Jean-Hugues Patos c’était le genre de type qu’on remarque de loin : un mètre quatre-vingts et laid comme un pou. Son visage long semblait coupé en diagonal par un long nez cassé et disgracieux. Ses yeux logeaient à cheval sur son arête nasale et s’illustraient par un strabisme incontrôlable. Son corps était étonnamment maigre, ce qui n’empêchait pas son bidon de pointer au-dessus de sa ceinture, comme une île déserte au-milieux de la mer. À trente-cinq ans, il peinait à ramener quiconque dans sa couche et son salaire de manutentionnaire ne lui permettait pas de s’offrir des nuits de folies auprès d’une fille de joie. Et pourtant, il avait faim : faim de chaire, faim de caresses. Il voulait plonger son nez dans les corsages profonds des stars des films pornographiques, délecter ses papilles de la sève féminine. Il avait tant d’amour à donner et si peu de volontaires, qu’il passait la plus grande partie de son temps libre face à son écran, seul dans sa chambre, à asperger son bureau du jus de ses fantasmes.
Monsieur Patos présentait donc toutes les caractéristiques d’un homme tout ce qu’il y a de plus tristement banal dans sa laideur extraordinaire. S’il s’était fait à l’idée qu’il ne plairait pas aux déesses qu’il convoitait, à savoir n’importe quelle femme munie d’un appareil reproducteur plus ou moins en état de marche, Jean-Hugues aurait remué ciel et terre du bout des ongles pour approcher, ne serait-ce qu’un peu, une femme nue : détailler ses formes, sentir son odeur… Un vœu qui lui fut accordé d’une bien drôle de manière. Cette histoire n’a que faire de l’amour qui en est totalement absent. Elle parle de magie, une magie absurde et cruelle qui n’altère en rien la tordante tristesse de la réalité.
Alors que Jean-Hugues dormait du sommeil du juste, la fée Vision vint lui donner une petite visite. Comme il fut surpris en la voyant arriver dans son rêve ! Il faut bien dire que même pour lui, elle était moche, avec ses cheveux gris en bataille, ses joues gonflées et sa grosse mouche poilue sous la bouche, ce qui contrastait avec les femmes qui peuplaient les rêves de Patos et y jouaient habituellement un rôle érotique. Pour une fée vision, on eût cru que cette créature magique était l’ennemie des miroirs. Résigné, il s’était pourtant fait à l’idée que même en rêve, il ne pouvait se permettre de jouer les fines bouches. Il commença donc à baisser son pantalon.
« – Hey là ! Mais qu’est-ce que tu fais donc là ! s’exclama la fée.
– Heu… Et bien je m’apprête à… heu…
– Non, mais non ! Hors de question ! C’est du harcèlement… Moi qui croyais que les temps avaient changé ! Il reste encore beaucoup à faire !
– Alors vous n’êtes pas là pour…
– Non malotru ! Bon sang non ! Je suis une bonne fée, je viens vous visiter en rêve !
– Une bonne fée ?
– Oui voilà…
– Une fée du féminisme ? »
Ce rêve prenait décidément une tournure bien étrange… et décevante.
« – QUOI ? Mais enfin, féministe n’est pas un travail, c’est un combat militant et… M’enfin non, je suis la fée Vision ! Et vous vous êtes un mufle ! En 30 ans de métiers jamais il ne m’était arrivé de pareilles mésaventures… »
Jean-Hugues sentait bien qu’il avait déconné… Le pauvre, comment aurait-il pu se douter qu’il était possible d’être incivil au sein d’un rêve. Au comble de la gêne, il fit son possible pour consoler son invitée.
« – Je vous prie de m’excuser… Vraiment, je n’aurais pas pu me douter que vous étiez une fée… Voyez-vous, c’est mon inconscient qui s’exprime et… Comment puis-je me faire pardonner ?
– Pour commencer, vous pourriez reboutonner votre pantalon !
– Oui oui… voilà… dit-il en exécutant.
– Bon… lança-t-elle en regardant son calepin, vous êtes bien monsieur Patos fils ?
– En personne.
– Ha, très bien… Vous avez donc droit à un vœu, faites vite, j’ai du travail ! »
Un vœu ? Voilà qui eu pu surprendre Patos. Mais puisqu’il venait d’avoir un comportement déplacé envers une fée venue le contacter dans un rêve, il accepta l’idée plutôt facilement.
« – N’importe quel vœu ?
– Non pas n’importe quel vœu, je suis une fée vision, pas un génie ! Décidément, les jeunes sont bien trop gâtés de nos jours… Vous avez le droit à n’importe quel vœu se rapportant à mon domaine de compétence, c’est-à-dire n’importe quel vœu lié à la vision ! Voir le futur, déceler la vérité dans l’âme des gens ou encore lire dans les paumes des mains. Tout ce qui touche à la vi-sion ! »
D’abord, Jean-Hugues eut la satisfaction de comprendre d’où venait le don des Roumaines diseuses de bonne aventure, ensuite il se mit à réfléchir… Ou plutôt, il fit semblant de réfléchir, car son vœu finalement, il le connaissait déjà, mais puisque la fée n’avait pas l’air commode, il devait bien trouver un moyen de le lui soumettre sans la vexer.
« – Eh bien… Il y a un vœu auquel je pense…
– Vraiment ? Vous croyez être le premier ?
– AH ! Vous savez donc quel est mon vœu !
– Je suis une fée vison bon sang ! Évidemment que je peux lire vos pensées… Et c’est pas joli joli…
– Ouf, je ne savais pas trop comment amener la chose, vous m’ôtez une sacrée épine du pied !
– Ne croyez pas que c’est si simple Monsieur. Nous avons un protocole, si vous ne dîtes rien, je n’exhausse rien !
– Ha… Eh bien, j’aimerais voir nues les femmes qui m’entourent.
– Toutes ?
– Oui… Toutes !
– Aucune originalité… bref, j’enregistre votre dossier et vous aurez votre pouvoir demain au réveil. Bonne fin de nuit.
– … Au revoir ! »
Ainsi se déroula la rencontre entre Jean-Hugues et la fée vision.
À son réveil, il se rappelait du rêve très clairement, mais n’y prêta aucune attention. Peut-être même aurait-il préféré un rêve érotique. Il s’habilla donc et partit pour le travail. Mais dès qu’il eut franchi le pas de la porte, vers sept heures du matin, il tomba nez à nez avec Géraldine, sa voisine de palier. À 22 ans, la jeune étudiante n’était pas du genre à se lever tôt pour aller bosser, si elle était debout, c’est parce qu’elle commençait son footing matinal. Alors qu’elle partait en courant, Patos resta bloqué à regarder ballotter ses petites fesses blanches de droite à gauche. Elle était totalement nue ! Si bien que notre héros ne pouvait pas même imaginer les vêtements qu’elle portait ! Et pourtant il avait tout vu ! Sa petite tête blonde quand elle était passée devant lui, ses petits seins dressés et vaillants qui bougeaient à peine tandis qu’elle avait commencé à sautiller… Le souffle coupé, Jean-Hugues resta immobile pour quelques secondes, au cours desquelles il sentit son sexe durcir au fond de son caleçon. Ça avait marché ! La fée était réelle, c’était un vrai conte de fée ! À ces pensées, il se mit à danser en chantonnant une chanson de son invention :
« Merci ma ptite marraine la fée !
Je vais pouvoir mmater
Merci ma ptite marraine la fée !
Je vais pouvoir mmater »
Il s’arrêta cependant, constatant le regard circonspect que lui lançait une passante de la rue déserte. C’était une brune aux lèvres charnues à la peau mate, probablement d’origine maghrébine, ses seins tombaient lourdement sur un ventre bien rempli. Elle avait les hanches larges et un peu de cellulite sur son derrière volumineux qui était solidement posé sur ses fortes cuisses. Le corps ondulant de cette femme stoppa net les divagations de notre héros. Elle marchait, mais il avait presque pu l’apercevoir, son… Mais au fait, comment la regardait-il en ce moment ? Elle avait accéléré le pas, apeurée par le regard insistant de Jean-Hugues. Mon Dieu, il devait faire attention à ne pas effrayer son entourage… mais c’était plus fort que lui ! Sept heures dix, il fallait se presser ou il serait en retard au travail.
En chemin vers le métro, il était comme porté par un petit nuage, tandis que passait sur son chemin des femmes rondes, fines, blanches, noires, brunes, blondes, belles, laides et toutes complètement dévoilées, nues sous son regard. Alors qu’il croisait un groupe de jeunes adolescents, il entendit leurs rires et comprit qu’ils le visaient. Rien de moins normal, une érection monumentale dressait son pantalon… Pris de gêne, il mit sa main dans son caleçon pour mettre son sexe sur le côté, ce qui poussa une mère de famille qui arrivait en face de lui, à mettre la main sur les yeux de son enfant…
« Non ! Ce n’est pas ce que vous croyez », s’écria-t-il en tendant la main libre dans sa direction. Mais elle pressa le pas sans essayer de lui répondre. Cet épisode gênant eut au moins pour effet d’atténuer son érection.
Qu’allait-il donc bien pouvoir faire ? La porte du métro se dressait devant lui, et une myriade de femmes en sortaient. Pour stopper son érection, il prit le parti de fermer les yeux. Il devait se contrôler, mais comment faire ? Il n’avait jamais vu autant de femmes nues… Elles bougeaient, leurs formes ondulaient, toutes proches de lui, et dans tout ça, il devait rester impassible, autrement il passerait vite pour le pervers du quartier ! Cette idée légitime n’arrangea en rien sa situation, puisqu’elle avait pour lui quelque chose d’excitant. De nouveau, il sentit le sang affluer vers le bas de son corps. Gêné, mais stimulé, il mordit sa lèvre inférieure, n’osant pas rouvrir les yeux. « Mince, mince, mince… » pensa-t-il tout haut, tandis que sous son ventre, la bosse ennemie menaçait de repointer le bout de son nez. Pour se calmer, il imagina sa mère, ce fut radical, d’autant plus qu’il se rendit compte qu’à leurs prochaines entrevues, elle serait systématiquement totalement nue. Après tout, c’était sa mère… Il s’y habituerait…
Une fois ses esprits retrouvés, il s’engouffra dans les couloirs du métro. La ligne treize était noire de monde, il eut beau se concentrer sur les odeurs nauséabondes des couloirs, il avait du mal à contenir son excitation tandis que le tissu de son pantalon caressait le bout de son gland. Sa peine fut à son paroxysme quand il arriva dans la ligne bondée du métro. Elles étaient là, compressées contre les usagers. Lui, était non loin de la porte. Devant lui, deux adolescentes conversaient en riant, à moitié compressées l’une sur l’autre. Leurs poitrines jeunes, mais déjà fermes s’effleuraient presque. La vitre reflétait aussi l’image d’une femme noire dont la forte poitrine encerclait la barre du métro, semblant presque l’ensevelir. Une mère de famille se trouvait épaule contre épaule pressée sur lui, en regardant dans sa direction, il avait une vue plongeante sur sa poitrine, on aurait dit une piste de ski filant droit vers un tremplin… Les jambes de Patos se mirent à trembler tandis que le sang affluait dans leur direction ; elle était de retour, plus forte que jamais, et elle pointait vers les deux adolescentes. Pour ne pas les toucher du bout de son membre, il mit les fesses en arrière et se faisant, il sentit comme une boule en contact avec son derrière.
« – Ça va garçon, tu veux pas ma bitte tant que t’y es ? » dit l’homme derrière Jean Hugues, un grand noir avec une cicatrice en travers du visage.
« – Ce n’est pas ce que vous croyez Monsieur… bredouilla notre héros
– Et ça c’est pas ce que je crois ? » Répondit le Monsieur en pointant la forme bombée sous la ceinture de Jean Hugues.
La sonnerie du métro sonna juste à temps pour éviter à Patos de prendre le poing de son charmant voisin dans la figure. Une fois sur le quai, il prit la décision d’attendre un wagon moins bondé pour se rendre au travail, et tant pis s’il était en retard. Assis sur son banc, il gardait les yeux fermés et ne les ouvrait que quand un train entrait à quai. Soudain, une odeur de mort s’insuffla de force dans ses narines. « Monsieur, une petite pièce s’il vous plaît ? » demanda une voix rocailleuse. C’était une vieille femme qui quémandait de l’aide… En la voyant, Jean-Hugues eut un haut-le-cœur, à son halène fétide s’alliait un corps décharné aux seins tombants. La vieille femme était édentée et son corps qui sûrement était couvert aux yeux des passants, se présentait pour lui dans toute sa décrépitude… Des veines bleues parcouraient ce corps usé et parsemé de pustules rouges et infectieuses. Jean-Hugues resta coi devant la misère mise à nue. Elle insista un peu et il finit par lui donner une pièce de deux euros. Leurs mains s’effleurèrent, ce qui le dégoûta au plus haut point.
Vers dix heures, notre héros arriva finalement sur son lieu de travail. Comme il avait deux heures de retard, son patron lui fit une remontrance dont il se moqua allègrement. Pas qu’il était heureux de se faire houspiller, seulement sa matinée fut si mouvementée qu’il n’avait que faire de ce genre de détails… Après tout, il ne risquait ni de se faire virer ni de se faire augmenter, c’était juste une humiliation de plus à passer. Pendant que son chef lui postillonnait au visage, Patos restait interdit, commesi son esprit était ailleurs, emprisonné dans le traumatisme constant que devenait sa vie. Sa dépression avait du bon, puisque dans son état, l’usine ne serait pas un lieu d’excitation. Inspirant un bon coup, il se dit que cette partie de la journée serait plus facile. « Enfin un peu de répit ! » Et puis, il n’avait qu’à s’habituer, tout irait bien ! Il prit place sur son poste de travail et commença à plier les cartons qu’il devait déposer à l’entrepôt.
À sa pause déjeuner, il entendit la voix de Manu qui l‘appelait de derrière. Quelle ne fut pas sa surprise en se retournant, quand il constat que son vieux pote était… nu ! Emmanuel avait toujours été un peu enveloppé, mais ses poiles au menton et sa voix grave ont toujours suggéré à Jean Hugues que c’était… Et d’ailleurs, lui, enfin elle avait toujours prétendu être… Un homme.
« – Dis donc, tu t’es bien fait remonter ce matin, j’ai cru que le boss allait exploser !
– Heu… Oui c’est sûr.
– Bah alors, qu’est-ce qu’il s’est donc passé ?
– Ha… Heu c’est une longue histoire… Enfin non, j’ai pas pu me réveiller voilà. »
Quoi de plus naturel que de vouloir couper court à la conversation… Patos se sentait comme trahi ! Son ami lui avait donc caché son sexe pendant toutes ces années… Manu était une femme…Il devrait donc contempler son ami(e?) nu(e?) jusqu’à la fin de ses jours ? Une question fort pertinente qui l’accompagna pendant le reste de l’après-midi.
Vers dix-sept heures, la journée arrivait enfin à son terme, quand soudain, le téléphone de Jean-Hugues de mit à vibrer. Il blêmit en décrochant :
« -Halo maman ?
– Oui mon chéri, ça s’est bien passé le travail ?
– Oh… Le boulot quoi.
– Très bien, tu n’as pas oublié pour ce soir hein ? »
Il avait oublié… Le 23/10, sa mère fêtait son anniversaire, aussi, il ne pouvait clairement pas bouder la soirée qu’elle avait organisée. Une dizaine de personnes étaient conviées principalement des amies de sa mère. Jean-Hugues déglutit à l’idée de passer la soirée avec huit femmes mûres complètement nues… Le rendez-vous était à dix neuves heures, et il fallait apporter un cadeau. En temps normal, il savait sa mère friande de macarons, mais hors de question d’aller jusqu’aux Champs Élysées pour des gâteaux. Il y avait un Jeff de Bruges non loin du boulot, il passerait par là et commanderait un Uber pour aller chez sa mère. Pour cela, il allait devoir sortir, affronter le monde du dehors et ses tentations multiples. Cette simple idée suffisait à le faire trembler… Une idée lumineuse germa alors dans son esprit ! Pour arriver chez sa mère en un seul morceau, il décida de sortir armé. Il se munit d’un rouleau de gros scotch de chantier et alla dans les toilettes pour attacher son sexe sur le haut de sa jambe.
Fière de son stratagème, il sortit bien heureux dans les rues de Paris. Muni de lunettes de soleil, il pouvait admirer les corps dévoilés des Parisiennes. Elles étaient belles pour la plupart, ce qui faisait battre son cœur. Un sourire niais soulignait son vilain nez, tandis qu’il entrait dans la boutique. La vendeuse était une belle brune, du type de celle qu’on voit dans les magazines… Il avait fantasmé dessus pendant des mois. En la voyant nue, il ne put s’empêcher de sentir une légère déception… Ses seins étaient bien plus petits qu’il ne l’avait imaginé. Ho, elle restait très belle, juste un peu plus commune qu’il ne pensait. Ça n’empêcha pas son membre de tirer sur le scotch de sa jambe qui tint bon malgré tout. Profitant de la file d’attente, il savoura à loisir le corps svelte, mais néanmoins bombé de la vendeuse.
Le scotch fonctionnait à merveille, donc pas besoin de prendre un taxi. Il marcha donc jusqu’à l’appartement de sa mère. « Bonjour mon chéri ! Comment vas-tu ? Ho c’est pour moi ? Merci mon chou ! ». Elle lui avait toujours parlé comme ça, c’était d’ailleurs la seule femme qui utilisait ce genre de mots doux à son égard. Elle était plutôt maigre elle aussi, mais ses traits étaient moins laids que ceux de son fils… Le nez et les yeux, ça venait du père. Jean-Hugues fit un effort pour ne pas fixer la grande touffe pubienne de sa mère pendant qu’elle lui parlait.
«- Je vais me changer, en attendant les invités !
– haha…ha, oui, bonne idée
– Bonne idée, sous-entendrais-tu que ta mère ressemble à un vieux sac ? »
Elle avait dit ça avec une voix rieuse. Sa bonne humeur fut toujours comme un rayon de soleil dans la vie de Jean-Hugues.
« – Salut mon grand, comment tu vas ?
– Bonjour Papa, ça va.
– Le boulot, c’est bon ?
– Bah… on fait aller »
Le père Patos était du genre plutôt calme, un être plutôt rangé qui n’aimait pas se faire remarquer. Jean-Hugues avait toujours voulu acquérir un jour son niveau de force tranquille. Ils passèrent un moment tous les deux dans le salon, savourant un verre de whisky en attendant les invités. Dans la chambre d’à côté, la mère Patos faisait un vacarme de tous les diables en ouvrant et refermant les placards, on sentait qu’elle mettait du cœur à l’ouvrage.
Quand elle sortit pour demander à ses hommes ce qu’ils pensaient de sa tenue, Jean Hugues fut complètement abasourdi. Non pas par la robe de sa mère qu’il ne voyait absolument pas, mais plutôt par la petite ficelle qui dépassait entre ses jambes. Elle avait beau afficher un air tout à fait naturel, ses yeux croisaient parfois ceux de son mari avec un air coquin. Ils avaient vraiment prévu une sacrée soirée.
« – Alors Jeanno, ça te plait ?
– Non ! Heu… oui, c’est pas mal…
– La couleur, c’est bon la couleur ?
– Oui, c’est très bien…
– Haha, je croyais que le noir n’était pas une couleur ! » s’exclama victorieusement sa mère avec un air malicieux.
« – Ha… Heu oui
– Tu m’as tellement embêté avec ça la semaine dernière !
– Hmmm J’ai changé d’avis »
C’était douloureux d’admettre qu’elle avait raison là-dessus, d’autant que non : le noir n’était pas une couleur ! Mais ce qui le gênait vraiment, c’était le sex-toy qu’il voyait dépasser entre les cuisses de sa mère. Il devint livide… Le scotch collé sur sa cuisse ne tirera pas ce soir, au moins il pouvait en être sûr. Quoi que, si ça arrivait ? En se posant cette question, on aurait pu penser à une pub de lessive en voyant son visage : il était plus blanc que blanc. Ses parents auraient pu s’en rendre compte, heureusement la sonnette attira leur attention. Les uns après les autres, les invités arrivèrent et on se mit à table.
Le repas sembla durer une éternité. Les invités s’échangeaient des blagues d’un humour gras et douteux. Par moment, Jean Hugues voyait sa mère se mordre la lèvre inférieure, pendant que son père portait la main à sa poche sous la table. Le dégoût inspiré par cette vision suffisait à lui faire oublier les images de seins tombants de la plupart des invitées. La vue des seins de Madame Berger, qui gagnait un bonnet de soutien-gorge chaque année, ne put le réconforter. Cette dernière intercepta son regard et en fut flattée, pourtant, les cicatrices de ces deux énormes ballons n’avaient rien d’attirant, même pour Jean-Hugues.
En rentrant chez lui, Patos avait les idées noires. Une soirée à observer ses parents se livrer à des jeux sexuels sous la table, ça change un homme. D’aucuns auraient-ils pu se sentir heureux de voir qu’à leurs âges, ils continuaient à mener une vie sexuelle épanouie ? Ce n’était pas le cas de Jean-Hugues… Il n’en avait pas la force… Quelque chose n’allait pas dans cette histoire ! Ils étaient vieux, pourquoi vivaient-ils plus de choses que lui ? Les corps nus des femmes qui arpentaient la rue ne lui faisaient plus rien, il voulait rentrer, en finir avec cette histoire.
Au moment de se déshabiller, il vit le gros scotch écrasant son pénis contre sa cuisse et tenta de le retirer. La douleur fut très intense avant même qu’il n’ait atteint son sexe. Il souffla un bon coup, pris tout son courage à deux mains et d’un coup sec, tira sur la grosse bande de scotch de chantier. Dans sa douleur il cria de toute ses forces « Fée de meeeeeeeerde ! ». Un bruit sourd retentit tandis que le scotch imbibé de poils se décrochait de son corps, embarquant son lot de peau au passage. Haletant, le scotch à la main, Jean Hugues regarda son pénis d’un air penaud. Il était si rouge, qu’on l’eut cru brûlé au troisième degré… Patos remercia Dieu de n’être pas né juif et alla se coucher. Attendant le sommeil, il pria pour le retour de la Fée vision, et son vœu fut exaucé.
C’était la nuit noire. Allongé dans son lit, Jean Hugues sentit une vive chaleur au niveau de son pénis : il brillait. La lumière était si forte, qu’elle devint une flamme qui se mit à grignoter la couette. Une épaisse fumée montait au plafond, tant et si bien que la chambre fut plongée dans un épais brouillard de cendre. Effrayé, Patos tenta de dissiper la fumée en agitant les bras dans tous les sens. À tâtons, il se mit en quête d’une sortie. Il entendit soudain des violons déchaînés jouant dans ses oreilles la mélodie de l’Hiver composée par Vivaldi. Suivant la musique, il trouva une lumière qui émanait d’une petite fenêtre située en haut… D’une porte ? Saisissant la poignée il entra dans une salle de petite taille. « Eh bien Monsieur Patos… Je vois que vous n’êtes décidément pas à l’aise avec le concept de vêtements ». La fée était assise derrière un bureau rempli de dossiers et dévisageait le rêveur d’un air morne. Elle leva la main et fit un cercle dans les airs, ce qui eut pour effet d’éteindre le flambeau qui brûlait entre les jambes de Jean Hugues.
« – Merci Madame ! Je vous dois une bien fière chandelle !
– Il me semble pourtant que vous aviez apporté la vôtre… » dit la fée, plutôt fière de sa boutade
« – Haha, oui, mais contre mon gré ! » Répondit Patos avec un air de soumission.
La voix acariâtre de la bonne fée ne suffit pas à décourager Jean Hugues, il avait prié pour la revoir et elle était là : devant lui. Ce serait probablement sa seule chance !
– Vais-je devoir subir votre hideux visage chaque nuit ? »
Jean-Hugues trouva la remarque déplacée, d’autant qu’elle n’était pas gâtée non plus.
« – … Comment ça ! S’offusqua la fée. Faîtes attention jeune homme !
– C’est-à-dire que… Je ne peux contrôler ce que je pense.
– Alors faites attention à ce que vous dîtes, qu’est-ce qui vous amène ?
– Et bien…
– Oui, oui, vous en avez assez de votre pouvoir, c’est un vrai cauchemar et bla, bla, bla…
– Vous avez lu mes pensées ?
– Mais non, gros nigaud ! Contrairement à vous je ne suis pas stu-pide. Inutile d’avoir le QI d’Einstein pour savoir que votre vœu était absolument débile ! Voyez-vous, le corps humain est dirigé par des facteurs bio-lo-gi-que… On ne peut pas faire n’importe quoi ! »
D’abord, Jean Hugues fut énervé par le ton professoral et acariâtre de la fée, puis il se dit qu’il y avait quelque chose de formidable à l’idée de se faire donner un cours de biologie par une créature magique.
« – Revenez avec moi Monsieur Patos, je sens que vous vous égarez… Bien, je disais, pensiez-vous réellement que la satisfaction de ce petit désir pervers n’entraînerait aucune conséquence ? Allons… Le corps utilise le désir pour vous pousser à accomplir votre devoir de survie ! La nudité, n’avait rien de sensuelle il y a quelques années, mais votre perversité, votre envie de voyeurisme : voilà qui a provoqué un tourbillon de désir impossible à stopper. D’autant qu’un homme comme vous ne pourra jamais les satisfaire ! Fétichiste comme vous êtes, obtenir un tel pouvoir, c’était comme signer votre perte.
– Vous avez sans doute raison… dit Jean Hugues, les yeux baissés. C’est pour ça que je voulais vous voir, je ne veux plus de ce pouvoir, pouvez-vous me le reprendre ?
– Absolument pas !
– Pardon ?
– Enfin, ce n’est pas si simple, que pensez-vous ? Qu’on travaille pour rien ?
– Mais… J’ai appris une leçon ! N’est-ce pas suffisant ?
– Monsieur Patos… Arrêtez donc de faire l’enfant, nous sommes au vingt et unième siècle ! Vous avez fait travailler tout un service pour rien.
– Mais enfin…
– Oui bien sûr, je peux vous proposer une solution, mais ça ne sera pas gratuit. Bon où en étais-je ? Oui ! »
Elle fouilla dans ses tiroirs pour sortir un papier manuscrit qu’elle tendit à Jean-Hugues. En haut du document, était écrit : contrat de rétractation magique.
« – Vous n’avez pas d’imprimante ? demanda-t-il sans réfléchir.
– La ferme ! Bien, laissez-moi vous expliquer, vous pouvez rendre le pouvoir, mais en échange, vous serez facturé pour le travail à vide que vous nous avez fait effectuer !
– Vous acceptez les cartes de crédit ?
– Haha m’enfin bien sûr que non ! C’est en unité de vue que vous nous payerez ! Dois-je vous rappeler que vous êtes chez une fée vision ? »
C’était cher payer, mais Jean Hugues était prêt à tout… Il signa sans hésiter.
« – Merci. Bien … à votre réveil, vous serez myope et sans super pouvoir ! J’espère que vous avez appris une super leçon, sinon cette aventure aura été sacrément nulle pour vous ! »
À son réveil, Jean Hugues trouva sa chambre un peu floue, mais fut rassuré de voir que ce n’était en aucun cas aussi mauvais que ce que la fée avait annoncé. Quelle mégère tout de même de s’être moquée de lui comme ça ! Alors qu’il descendait vers la rue pour aller au travail, il croisa sa voisine de palier sur le pas de la porte. Ce n’était pas pour bosser qu’elle se levait si tôt. Alors qu’elle lui passait devant, pour aller faire son footing, Jean-Hugues observa ses petites fesses, qu’il devinait blanches, bien serrées dans son legging, bougeant comme si elles étaient nues. Tournant la tête, il revit la femme d’origine maghrébine qu’il avait croisée la veille. Ses courbes voluptueuses étaient comme prisonnières de ses vêtements. Alors qu’elle passait, Patos se rappela l’aspect de ses formes quand il les avait vues nues, et la pensée de ce corps en frottement constant contre une tenue qui cherche à discipliner tant de volupté fit descendre la sève de notre héros jusqu’entre ses jambes. Maintenant qu’il avait découvert les joies du voyeurisme, les vêtements étaient devenus pour lui tout aussi excitants que les corps nus qu’il convoitait. Cette réalisation le frappa par sa cruauté : il avait ouvert une boîte de pandore, que jamais ses yeux ne pourraient refermer.